« Make healthy hydration the new norm »

L'hydratation pendant la grossesse et l'allaitement

Revue scientifique du rôle et de l'importance de l'eau durant la grossesse et l'allaitement.

Pendant la grossesse

Introduction

Pour de nombreuses femmes, la grossesse et l'allaitement sont des périodes très particulières de leur vie pendant lesquelles elles prennent soin de leur santé et de leur alimentation, afin d'assurer à leur bébé le meilleur départ possible dans la vie. Cependant, bien que les changements physiologiques en termes de niveau d'hydratation et d'équilibre hydrique soient nombreux pendant la grossesse et l'allaitement, ce sujet est souvent ignoré.

Ce document a pour but de donner un aperçu des données scientifiques existantes sur les changements physiologiques en matière de niveau d'hydratation, d'équilibre hydrique et de besoins en eau pendant la grossesse et l'allaitement.

En effet, pendant la grossesse, des changements apparaissent au niveau de la dynamique de l'eau. Ces changements entraînent une augmentation de la masse hydrique totale du corps et les adaptations qui s'ensuivent dans sa régulation. Les données préliminaires indiquent que des effets bénéfiques pour la santé résultent d'une bonne hydratation pendant la grossesse. Après la naissance, lorsque cela est possible, l'allaitement doit être privilégié, car il représente le moyen idéal d'assurer l'alimentation nécessaire au nouveau-né. Néanmoins, l'allaitement induit une perte d'eau supplémentaire pour la mère. Compte tenu de l'augmentation des besoins en eau pendant la grossesse et l'allaitement, des recommandations spécifiques concernant la consommation de liquides ont été émises pour ces états physiologiques particuliers.

I. L'hydratation et le rôle de l'eau pendant la grossesse

La grossesse implique de nombreux changements dans le corps d'une femme, qui permettent le développement du fœtus. L'un de ces changements est la modification de la dynamique de l'eau, qui entraîne une augmentation de la teneur totale en eau du corps et des changements au niveau de la régulation de l'équilibre hydrique du corps.

I.1. Modification de la masse hydrique du corps pendant la grossesse

I.1.1. Augmentation de la masse hydrique totale du corps

La grossesse entraîne une prise de poids importante, en moyenne 12 kg à terme chez les femmes présentant un IMC normal (IoM, 2009) (Figure 1). L'eau contribue largement à cette prise de poids, puisque l'eau corporelle augmente de 6 à 8 l chez les femmes enceintes en bonne santé (Chesley, 1978 ; Hytten, 1980). Cette quantité d'eau supplémentaire dans le corps se trouve dans le liquide amniotique et le placenta, mais également dans l'expansion des volumes de liquides intra et extracellulaires maternels, comme le volume sanguin (Beall et al., 2007 ; Larcipetre et al., 2003). Par ailleurs, le fœtus lui-même est constitué en grande partie d'eau (75-90 %) (Givens and Macy, 1933 ; Ziegler et al. 1976).

Figure 1. Composantes de la prise de poids pendant la grossesse, à terme. Adapté de Pitkin, 1976.

Cette augmentation de la masse hydrique totale dans le corps de la mère est nécessaire à l'expansion du volume plasmatique, à la constitution du liquide amniotique et au placenta, eux-même essentiels pour le développement du fœtus.

I.1.2. Expansion du volume plasmatique

Le plasma, phase liquide du sang, représente environ 3 l chez l'adulte (Guyton and Hall, 2006). Chez la femme enceinte, le volume plasmatique augmente jusqu'à 40-50 % au-dessus de sa valeur avant grossesse (Clapp et al., 1988 ; Metcalfeand Ueland, 1974 ; Ueland, 1979).

Cette augmentation se produit parallèlement à une rétention sodique progressive, mais dans une moindre mesure. Cela conduit à une osmolalité sanguine moins élevée que chez la femme non enceinte, en partie à cause de la concentration de sodium plus faible : l'osmolalité plasmatique est réduite de 10 mOsm/kg, de 290 à 280 mOsm/kg par rapport à une femme qui n'est pas enceinte (Davison et al., 1981).

Cette augmentation du volume sanguin est nécessaire à la vascularisation du placenta, sans mettre en danger la Unmarked définie par marquian perfusion des organes maternels. Il permet les échanges de nutriments et d'autres composés entre la mère et le fœtus via le placenta. L'expansion du volume plasmatique joue également le rôle de réserve physiologique en cas d'hémorragie (Koller, 1982).

I.1.3. Le liquide amniotique : un élément essentiel pour assurer le développement du fœtus

Le liquide amniotique est un liquide clair et jaunâtre qui entoure le fœtus à l'intérieur de la membrane amniotique. Son volume varie beaucoup pendant la grossesse, de 500 à 1 200 ml (Goodwin et al., 1976).

Le liquide amniotique fonctionne comme une réserve d'eau pour le fœtus et constitue un environnement pour son développement. Il offre une protection contre les traumatismes mécaniques, les variations de température et les infections bactériennes ; il favorise un développement anatomique normal, permet les mouvements et contribue au développement des poumons du fœtus (Beall et al., 2007). Le volume du liquide amniotique a été reconnu comme étant un bon indicateur du bien-être du fœtus (Hinh and Ladinsky, 2005). La production et la réabsorption du liquide amniotique représentent un processus dynamique : des volumes importants d'eau circulent de la mère au fœtus via le placenta pour finalement faire partie du liquide amniotique. Le liquide amniotique est alors réabsorbé par le fœtus qui l'avale, puis passe dans la circulation fœtale et enfin dans la circulation maternelle (Beall et al., 2007) (Figure 2).

Figure 2. Circulation de l'eau entre le fœtus et le liquide amniotique au cours des deuxième et troisième trimestres. Adapté de Beall et al., 2007.

Il existe également des échanges directs entre le liquide amniotique et la circulation maternelle, via les membranes amniotiques, mais cette voie ne représente qu'une faible proportion de tous les échanges d'eau entre la mère et le fœtus. La plupart de ces échanges sont réalisés via le placenta(Hutchinson et al., 1959).

I.1.4. Le placenta : un organe qui apporte l'eau au fœtus

Le rôle principal du placenta est d'assurer les échanges physiologiques entre les systèmes fœtaux et maternels: c'est l'un des principaux sites d'échange d'oxygène, de nutriments, y compris l'eau, et de déchets entre la mère et le fœtus (Meschia, 1983 ; Reynolds and Redmer, 1995). Il est composé de 85 % d'eau (soit environ 500 ml ; Barker et al., 1994). Cependant, le volume d'eau placentaire augmente pendant la grossesse puisqu'il est proportionnel au poids du fœtus (Beall et al., 2007).

L'échange d'eau entre la mère et le fœtus augmente progressivement au fur et à mesure que le fœtus se développe, proportionnellement au poids du fœtus (Faber and Thornburg, 1983 ; Meschia, 1983 ; Reynolds and Redmer, 1995). On estime que la quantité d'eau échangée fluctue entre 100 ml par heure à 12 semaines, et au moins 3 600 ml par heure à terme (Hutchinson et al., 1959).

Cette augmentation de la teneur en eau totale du corps de la mère pendant la grossesse est nécessaire au développement du fœtus et permet l'échange de volumes d'eau importants entre la mère et le fœtus qui se développe.

I.2. La régulation de l'eau chez la femme enceinte

Les changements observés pendant la grossesse au niveau de la dynamique de l'eau et l'augmentation de la masse hydrique totale du corps impliquent des changements dans l'équilibre hydrique global, ainsi que des adaptations au niveau de la régulation de l'eau dans le corps.

I.2.1. Équilibre hydrique chez la femme enceinte

L'équilibre hydrique du corps est défini par l'équilibre entre les gains et les pertes en eau dans le corps. Les gains proviennent de l'eau contenue dans les liquides et la nourriture, et de l'eau métabolique (eau produite par l'organisme lors de l'oxydation des nutriments) (Shirreffs, 2003 ; Benelam and Wyness, 2010). Chez la femme non enceinte, les pertes en eau du corps avoisinent 1,5 à 3,0 l/j. Les pertes se produisent principalement à travers l'urine et la peau et, dans une moindre mesure, la respiration et les fécès (Grandjean et al., 2003).

Les besoins en eau chez la femme enceinte augmentent considérablement pour permettre l'augmentation de la masse hydrique du corps et répondre aux besoins métaboliques accrus du fœtus (Figure 3).

Figure 3. Équilibre hydrique chez la femme non enceinte et la femme enceinte (femme sédentaire vivant dans une région tempérée).

Par ailleurs, 80 à 90 % des femmes souffrent de nausées et de vomissements pendant la grossesse, ce qui crée un stress supplémentaire au niveau de leur équilibre hydrique (Einarson et al., 2007). La consommation de liquides doit donc être adaptée pour répondre à l'augmentation des besoins. En parallèle, des adaptations se produisent au niveau de la régulation de l'équilibre hydrique du corps.

I.2.2. Adaptations permettant d'assurer l'équilibre hydrique du corps

Pendant la grossesse, peu de changements sont observés au niveau de la régulation de l'équilibre hydrique du corps. Pourtant, la réduction de l'osmolalité plasmatique observée pendant la grossesse conduirait, chez la femme non enceinte, à une diminution de la sécrétion de l'hormone antidiurétique (ADH) et donc à une réabsorption d'eau moins importante et à un débit urinaire plus élevé. Cependant, ce nouvel état est considéré comme normal grâce à une « remise à zéro » des récepteurs osmotiques. En effet, le seuil d'osmolalité plasmatique déclenchant la soif et la sécrétion d'ADH sont réduits pendant la grossesse, permettant ainsi à la future mère d'obtenir un équilibre hydrique normal en se basant sur ces nouveaux niveaux (Davison, 1983 ; Brenner, 2008).

Ainsi, l'équilibre hydrique est régulé de la même façon que chez la femme non enceinte, mais avec un autre seuil considéré comme normal pendant la grossesse (Figure 4).

Figure 4. Régulation de l'eau par les hormones antidiurétiques (ADH).

L'appareil urinaire s'adapte également à ces changements (Figure 5). Le débit plasmatique rénal augmente de 50 à 85 % et le TFG (Taux de Filtration Glomérulaire) augmente de 40 à 65 % (Jeyabalan and Lain, 2007 ; Brenner, 2008) au cours de la première moitié de la grossesse. Ces adaptations à la grossesse sont parmi les plus précoces et les plus impressionnantes (Davison et al., 1981), mais leurs mécanismes sont encore mal compris. Pour faire face à ce débit accru, la longueur des reins augmente également d'environ 1 cm et leur volume de 30 % (Jeyabalan and Lain, 2007). L'augmentation du TFG entraîne une augmentation de l'excrétion urinaire des protéines et du glucose, faisant apparaître une protéinurie et une glycosurie légères, considérées comme normales pendant la grossesse (Williams, 2004).

Figure 5. Main adaptations of the urinary tract to pregnancy.

I.3. Nouvelles données scientifiques sur l'eau et la santé pendant la grossesse

Bien que, pendant la grossesse, les adaptations nécessaires au maintien de l'équilibre hydrique du corps soient importantes, il existe à ce jour peu d'informations concernant l'influence du niveau d'hydratation de la mère sur sa propre santé et celle du fœtus. Les données préliminaires semblent indiquer que le volume de liquide consommé par jour peut s'avérer important pour l'issue périnatale, et dans la prévention de la constipation et des infections urinaires chez la mère.

I.3.1. Niveau d'hydratation de la mère : influence sur l'issue périnatale

Le volume du liquide amniotique est reconnu comme étant un indicateur du bien-être du fœtus, et par conséquent de l'issue périnatale (Cunningham et al., 1993; Beall et al., 2007). Dans la pratique, le volume du liquide amniotique peut être évalué en utilisant l'index amniotique (Amniotic Fluid Index ou AFI) (Fok et al., 2006).

Plusieurs études montrent que la consommation de liquides par la mère et le niveau d'hydratation de la mère peuvent influencer l'AFI (Borges et al., 2011; Fait et al., 2003; Kilpatrick et al., 1991; Kilpatrick and Safford, 1993; Malhotra and Deka, 2004; Sciscione et al., 1997). Une suggestion de mécanisme potentiel est présentée sur la Figure 6.

Figure 6. Conséquences potentielles de la consommation de liquides par la mère sur le bien-être du fœtus.

L'apport en eau pourrait donc être une façon d'augmenter le volume du liquide amniotique (Hofmeyr et al., 2002). Cependant, d'autres études sont nécessaires pour déterminer la consommation de liquides nécessaire pour obtenir un volume de liquide amniotique optimum et une bonne issue de la grossesse en général.

I.3.2. Constipation

La constipation est un trouble fréquent pendant la grossesse, qui touche jusqu'à 40 % des femmes enceintes (Anderson, 1984 ; Cullen and O’Donoghue, 2007). Plusieurs facteurs peuvent contribuer à cette constipation, tels que les changements hormonaux et anatomiques, ou les facteurs alimentaires.

Il a été prouvé que le changement des habitudes alimentaires pour une alimentation plus riche en fibres, associée à une consommation plus importante d'eau permettent de prévenir ou de soulager la constipation chez la femme enceinte (Cranston et al., 1988 ; Trottier et al., 2012), en optimisant la durée normale du transit gastro-intestinal (Cullen and O’Donoghue, 2007 ; Derbyshire et al., 2006 ; Vazquez, 2010). L'une des hypothèses expliquant l'effet de l'apport en eau sur la constipation est qu'une faible consommation de liquides diminue la masse et la fréquence des selles (Klauser et al., 1990), mais d'autres études sont nécessaires afin de comprendre plus précisément les mécanismes sous-jacents.

En dépit du peu de données disponibles, les professionnels de santé conseillent généralement aux femmes enceintes d'avoir une alimentation plus riche en fibres et de boire de façon adéquate afin de limiter la constipation (Trottier et al., 2012), comme c’est le cas pour les femmes non enceintes (WGO, 2010 ; Selby and Corte, 2010).

I.3.3. Infections urinaires

L'infection urinaire représente l'infection bactérienne la plus courante pendant la grossesse (Schnarr and Smaill, 2008) et une complication médicale fréquente (Dwyer and O’Reilly, 2002). Elle est caractérisée par la présence de bactéries dans l'urine et peut être symptomatique ou asymptomatique. La bactériurie asymptomatique survient dans 2 à 10 % des grossesses (Schnarr and Smaill, 2008 ; Dwyer and O’Reilly, 2002). En raison des changements qui se produisent dans les voies urinaires pendant la grossesse, la bactériurie asymptomatique peut se transformer plus facilement que chez la femme non enceinte en infection rénale, ou pyélonéphrite (Brenner 2008, Schnarr and Smaill, 2008). La prévalence de la pyélonéphrite aiguë chez la femme enceinte serait d'au moins 0,5 à 2 % (Schnarr and Smaill, 2008).

Chez la femme non enceinte, des données préliminaires suggèrent que la déshydratation chronique ou une consommation de liquide limitée peut augmenter la sensibilité aux infections urinaires et qu'une augmentation de l'apport en eau permet de diminuer le risque de récurrence (Beetz, 2003; Eckford et al., 1995; Nygaard and Linder,1997; Pitt, 1989). Une des hypothèses pour expliquer ce phénomène est qu'une augmentation de la consommation de liquides pourrait avoir un effet "chasse d'eau" sur les bactéries qui se trouvent dans les voies urinaires et pourrait par conséquent réduire le risque d'adhérence et de colonisation (Beetz, 2003). Cependant, aucune étude n'a été menée dans ce domaine chez la femme enceinte.

Messages à retenir

La grossesse entraîne une prise de poids importante d'environ 12 kg à terme. Cette prise de poids est constituée en grande partie d'eau, et la masse hydrique totale du corps augmente par conséquent de 6 à 8 l chez une femme enceinte en bonne santé.

Pendant la grossesse, le volume sanguin maternel augmente jusqu'à 40-50 % au-dessus de sa valeur avant grossesse, principalement en raison de l'expansion du volume plasmatique.

Le liquide amniotique, qui entoure le fœtus, est principalement composé d'eau. Son volume varie entre 500 et 1 200 ml et constitue une réserve d'eau de protection pour le fœtus.

Le placenta contient environ 500 ml d'eau, ce qui représente 85 % du poids du placenta. Il s'agit du principal organe apportant l'eau au fœtus.

Les besoins en eau chez la femme enceinte augmentent considérablement pour permettre l'augmentation de la masse hydrique du corps et répondre aux besoins métaboliques accrus du fœtus.

Le seuil d'osmolalité plasmatique déclenchant la soif et la sécrétion d'ADH est réduit pendant la grossesse, permettant ainsi à la future mère d'obtenir un équilibre hydrique normal en se basant sur ces nouveaux niveaux.

Les premières données semblent indiquer un effet possible bénéfique de l'hydratation sur le volume du liquide amniotique. Comme chez les femmes non enceintes, l'hydratation peut être bénéfique pour lutter contre la constipation et la récurrence des infections urinaires. Cependant, d'autres études sont nécessaires afin d'établir clairement leurs relations.

Pendant l'allaitement

II. Hydratation et rôle de l'eau pendant l'allaitement

L'allaitement est reconnu comme étant le meilleur mode d'alimentation pour les nourrissons et est recommandé chaque fois que cela est possible. De nombreux rapports soulignent les effets bénéfiques à court et à long terme de l'allaitement pour la mère et son enfant (Turck, 2005 ; Schack-Nielson and Michaelsen, 2006). Pendant cette période, l'hydratation devient particulièrement importante, étant donné que la production de lait maternel augmente de façon considérable les pertes en eau de la mère.

II.1. L'eau dans le lait maternel

L’allaitement implique des réponses physiologiques spécifiques de la mère et exige un apport supplémentaire de nutriments et d'eau (IoM, 1991).

La production de lait augmente progressivement pendant la période de lactation ; elle avoisine 750 ml/j six mois après la naissance chez les femmes qui pratiquent l'allaitement exclusif (Neville et al., 1988) (Figure 7). Mais la production de lait peut être considérablement plus élevée : les mères qui allaient exclusivement au sein des jumeaux peuvent produire jusqu'à 2-3 l/j de lait (IoM, 1991). La quantité produite dépend directement de la demande de l'enfant.

Figure 7. Taux moyens de production de lait chez les femmes pratiquant l'allaitement exclusif. Adapté de Neville et al. 1988.

Le lait maternel contient, en moyenne, 87 % d'eau (EFSA, 2010), sa teneur en eau varie en fonction du moment de la journée. Au moment de l'allaitement, le lait de début de tétée a une teneur plus élevée en eau et maintient l'enfant hydraté, alors que le lait de fin de tétée contient deux à trois fois plus de graisse que le lait de début de tétée (Riordan and Wambach, 2009).

Étant donné que le lait maternel est produit à l'aide de l'eau du corps de la mère, un volume de lait de 750 ml/j composé à 87 % d'eau équivaut à une perte d'eau supplémentaire importante pour la mère, par rapport à une perte normale quotidienne. Maintenir son équilibre hydrique représente donc un réel défi pour la mère allaitante.

II.2. Conséquences de l'allaitement sur la masse hydrique du corps

L'apport d'eau pendant l'allaitement doit être suffisant afin de compenser l'eau perdue par le lait maternel. Ainsi, en théorie, l'apport d'eau chez la femme allaitante devrait être au moins équivalent à celui de la femme non allaitante, plus la quantité d'eau transférée dans le lait maternel, estimée entre 600 et 700 ml/j (EFSA, 2010; IoM 2004) (Figure 8).

Figure 8. Équilibre hydrique chez la femme allaitante.

Les données sur la consommation réelle de liquides chez la femme allaitante sont rares. Deux études, réalisées avec un nombre limité de sujets, ont montré que la consommation de liquides chez la femme allaitante aux États-Unis est d'environ 16 % (300 ml) plus élevée que chez la femme non allaitante (Ershow et al., 1991) ; cela n'est pas suffisant pour répondre aux besoins théoriques (Stumbo et al., 1985), mais ces résultats doivent être confirmés par d'autres études.

D'un point de vue physiologique, une forte sensation de soif, ressentie au cours de la tétée, pourrait aider à augmenter la consommation de liquides (Bentley, 1998). Néanmoins, les mécanismes sous-jacents ne sont pas clairs et l'impact de cette sensation de soif sur la consommation de liquides chez la femme n'est pas connu.

II.3. Hydratation et production de lait maternel

La question de savoir si la quantité de liquides consommée pouvait influencer la production de lait maternel a été soulevée. Néanmoins, les données scientifiques montrent invariablement que ni l'augmentation ni la restriction de la quantité de liquides consommée n'affectaient le volume de lait produit (Dusdieker et al., 1985; Dusdieker et al., 1990; Horowitz et al., 1980; Prentice, 1984).

Ces informations sont cohérentes avec les données démontrant que l'état nutritionnel général de la mère a peu d'influence sur la quantité de lait produite ou sa qualité (IoM, 1991). Le nourrisson reçoit les nutriments et l'eau dont il a besoin, parfois au détriment de la mère, et la quantité de lait produite est fonction de la demande de l'enfant.

Cependant, une alimentation saine et une hydratation adéquate sont jugées souhaitables afin de maintenir la santé de la mère (IoM, 1991) et sont ainsi souvent recommandées aux mères allaitantes par les professionnels de santé (Lawrence and Lawrence, 1999).

Messages à retenir

La production de lait maternel augmente progressivement pendant la période de lactation, et atteint 750 ml/j six mois après la naissance.
Le lait maternel est principalement composé d'eau (en moyenne, 87 %).
La mère doit compenser la production de lait en buvant suffisamment d'eau.
La quantité de lait produite répond à la demande du nourrisson, même si cela entraîne un risque de déshydratation pour la mère.

Directives

III. Recommandations concernant la consommation de liquides pendant la grossesse et l'allaitement

Contrairement à d'autres nutriments, la question des besoins en eau chez la femme enceinte et allaitante a peu attiré l'attention et n'a pas fait l'objet de nombreuses études. Théoriquement, la consommation d'eau adéquate pendant la grossesse doit tendre vers celle de la femme non enceinte, à laquelle s'ajoute le liquide nécessaire pour aider au développement du fœtus, à l'accroissement du liquide amniotique et au volume sanguin plus élevé (Montgomery, 2002). Pendant l'allaitement, elle doit correspondre aux besoins physiologiques de la mère, auxquels s'ajoute l'eau contenue dans le lait maternel.

Plusieurs méthodes théoriques ont été utilisées pour établir des valeurs de référence.

  • Aux États-Unis et au Canada, la consommation de liquides adéquate est basée sur la médiane de la consommation d'eau totale observée dans les données de la troisième enquête américaine sur la santé et la nutrition NHANES III (Third National Health and Nutrition Examination Survey) chez la femme enceinte et allaitante, respectivement 3 000 ml/j et 3 800 ml/j (IoM, 2004).
  • En Australie et en Nouvelle-Zélande, la consommation adéquate est également basée sur la consommation d'eau médiane. Chez la femme allaitante, la consommation adéquate doit correspondre à la perte d'eau au travers du lait maternel ; les besoins en eau augmentent donc de 700 ml/j par rapport à une femme non allaitante.
  • En Europe, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a défini le besoin total en eau chez la femme enceinte sur la base de calculs théoriques. Pendant la grossesse, on estime que la consommation d'énergie augmente de 300 kcal/jour. Considérant un besoin en eau disponible d'1 ml/kcal ingérée, l'EFSA recommande d'ajouter 300 ml/j d'eau, par rapport à une femme non enceinte du même âge. Chez la femme allaitante, les besoins totaux en eau doivent être équivalents à la somme de la consommation adéquate de la femme non allaitante et de la teneur en eau du lait produit pendant les 6 premiers mois de lactation, soit un supplément de 700 ml/j (EFSA, 2010).

En raison de ces différences méthodologiques, les recommandations concernant la consommation totale d'eau varient largement d'un pays à l'autre (Tableau 1).

La consommation totale d'eau se réfère à l'eau qui se trouve dans les liquides (eau et boissons) et les aliments.

Tableau 1. Valeurs de référence pour la consommation totale d'eau chez la femme enceinte et allaitante

Malgré d'importants écarts dans la consommation recommandée, des conclusions peuvent être tirées des recommandations les plus récentes. Il est conseillé aux femmes enceintes d'augmenter leur consommation de liquides d'au moins 300 ml, tandis qu'il semble clair que les besoins de la femme allaitante augmentent d'au moins 700 ml par jour par rapport aux besoins de base (IoM, 2004 ; NHMRC, 2006 ; EFSA, 2010). Les besoins augmentent bien plus en cas d'activité physique ou si la femme vit dans un pays chaud (WHO, 2003).

Messages à retenir

Peu d'études ont été réalisées pour déterminer les besoins en eau chez la femme enceinte et allaitante.

La consommation d'eau pendant la grossesse doit tendre vers la consommation d'eau adéquate de la femme non enceinte, à laquelle s'ajoute le liquide nécessaire pour aider au développement du fœtus, à l'accroissement du liquide amniotique et au volume sanguin plus élevé.

Chez la femme allaitante, les besoins totaux en eau doivent être équivalents à la somme de la consommation adéquate de la femme non allaitante et de la quantité d’eau perdue dans le lait maternel pendant les 6 premiers mois de lactation.

En dépit des différences entre les pays concernant les directives émises sur la consommation totale d'eau, les quantités d'eau supplémentaires recommandées pendant la grossesse et l'allaitement sont globalement cohérentes, environ +300 ml par jour chez la femme enceinte et +700 ml par jour chez la femme allaitante.

Conclusion

Le corps de la femme enceinte ou allaitante subit des changements physiologiques spécifiques afin de s'adapter aux besoins du fœtus qui se développe ou du nourrisson. Ces adaptations impliquent d'importants changements physiologiques au niveau de l'eau.

Pendant la grossesse, la masse hydrique du corps augmente, en particulier en raison du volume plasmatique plus important et de l'accroissement du liquide amniotique dans le corps de la mère. Ces adaptations physiologiques se produisent afin de maintenir l'équilibre hydrique et l'homéostasie. Les besoins relatifs à la consommation de liquides augmentent également, et des données préliminaires suggèrent que maintenir une bonne hydratation est important pour le bien-être du fœtus, et, tout comme chez la femme non enceinte, pour prévenir la constipation et la récurrence des infections urinaires.

La femme allaitante a des besoins en eau encore plus élevés, afin de compenser la perte d'eau par le lait maternel. Cette perte peut mettre en danger l'équilibre hydrique, car la quantité de lait produite répond aux besoins du nourrisson, même si la consommation de liquides est faible et que la mère est déshydratée.

Néanmoins, il existe très peu d'informations sur la consommation réelle de liquides chez la femme enceinte et allaitante. Les recommandations sont basées sur des estimations des besoins supplémentaires.

D'autres études sont nécessaires pour confirmer les changements dans le niveau d'hydratation de la femme enceinte et le risque de déshydratation chez la femme allaitante.

Références